De juillet à septembre 1924, la revue Le Cri de Paris lance une enquête « Pourquoi y a-t-il si peu de femmes auteurs dramatiques », à la demande de la journaliste Odette Pannetier (seule femme membre du premier jury du prix Renaudot en 1926). Un florilège de réponses proposées par le Tout-Paris théâtral de l’époque est alors publié, pour le pire et le meilleur…
Premier focus sur la réaction de l’actrice Cécile Sorel, sociétaire de la Comédie-Française :
S’il n’y pas de femmes auteurs dramatiques, ce n’est pas parce qu’elles ne peuvent pas, mais parce que les hommes ne le veulent pas. C’est une grande injustice, mais c’est ainsi ; en France, les hommes se serrent les coudes afin que les femmes ne deviennent pas leurs égales en faisant les mêmes métiers qu’eux. Les femmes qui ont tâté de la carrière dramatique se sont découragées devant tant de mauvais vouloir. Et comment en serait-il autrement puisque ce sont les hommes qui jugent et qui acceptent ou refusent une pièce ? Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de belles pièces de femmes. Pour ma part, j’en connais deux qui sont de véritables chefs-d’œuvre et qui sont bien supérieures à tout ce que les hommes écrivent actuellement [La Siddartha de Jehanne D’Orliac] Et quelle chance ce serait pourtant de voir enfin une âme, un caractère de femme dépeints par une femme! Les hommes qui parlent de notre amour, de notre cœur, ne le peuvent faire qu’objectivement. Ils ne voient que ce que nous voulons bien leur révéler. Mais les sources profondes et mystérieuses de notre être, qui les pourrait connaître sinon une d’entre nous ? Je vous le répète : il existe actuellement des pièces de femmes qui sont de vrais chefs-d’œuvre. Nous en aurons la preuve éclatante le jour où, comme dans les autres pays, l’homme se sera décidé à faire à la femme une place égale à la sienne.
… 1924-2012, même combat ?