critique Livres par Fabienne Pascaud, 5 juillet 2007
À propos de Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, vol. 2, XVIIe siècle
Direction éditoriale et Introduction, avec Henriette Goldwyn et Perry Gethner
« Les connaissiez-vous, les Françoise Pascal, Anne de La Roche-Guilhen, Antoinette Deshoulières, la théâtreuse soeur de la Chapelle ou sa consoeur madame de Villedieu ? Ce n’est pas le moindre intérêt de ce savant et réjouissant ouvrage que de nous faire découvrir cinq « autrices » – comme il est écrit ici – qui osèrent s’attaquer au théâtre de 1655 à 1680. Excepté Catherine Des Roches au XVIe siècle (dont l’oeuvre a été publiée dans le premier volume de cette anthologie), peu de femmes étaient dramaturges jusqu’alors. Mais le succès grandissant du genre théâtral en France (et plus seulement la farce mais l’élégante pastorale…), l’accession des femmes à la culture, leur influence dans la société mondaine, la renommée de salons tenus par d’érudites aristocrates et les nouveaux idéaux d’héroïsme généreux et galant, de sociabilité et de politesse qu’on y défendait, leur donnèrent toutes les audaces, même si jamais l’Académie française créée par Richelieu (1635) ne daigna reconnaître ces cinq pionnières. Parmi elles, prix d’excellence à Antoinette Deshoulières et sa très noire tragédie Genséric (1680). Alors que l’Empire romain dévasté a laissé champ libre aux barbares, ne règnent plus que pouvoir absolu, rigueur totalitaire et esprit de vengeance. Tout amour est mort, même familial ; les héros suicidaires s’enlisent dans le chaos. C’est superbe. Hélas sans lendemain : après nos cinq autrices, il fallut attendre plus d’un siècle pour que la scène s’écrive encore au féminin. Pourquoi ? Les auteurs de l’ouvrage avancent une hypothèse : au théâtre pas plus qu’à la maison, on ne rétribuait ce travail-là…»