Résumé de recherche parus dans Registres, Édition Médianes/Institut d’Etudes Théâtrales, sept. 1998-3, p. 49-50.
En s’appuyant sur une étude comparative à travers les différents cas de figure que proposent l’Angleterre, l’Espagne, la France et l’Italie, cette recherche s’attache à témoigner des modes d’élaboration du statut de l’actrice au cours du XVIème et XVIIème siècles. Les différentes positions que ces sociétés prirent à l’égard de la comédienne permettent de définir le rôle spécifique dévolu à l’actrice. Sujet scénique, la comédienne était également ce nouvel «acteur social». La figure de l’actrice, non réductible à une simple présence scénique, illustre surtout l’ampleur des mutations culturelles et idéologiques qui y donnèrent naissance.
Une lecture historique permet d’analyser les différentes stratégies que ces actrices ont élaborées en réponse aux structures d’accueil locales propres à chaque pays. Une approche sociologique, s’orientant vers les facteurs qui ont freiné ou accéléré ce processus, inscrit ce phénomène au coeur d’une expérience collective : la querelle de l’actrice évoque les choix idéologiques auxquels étaient confrontées ces sociétés. L’avènement de ce nouveau corps scénique révélait ainsi les enjeux à la fois sociaux, éthiques et religieux dont l’esthétique théâtrale se faisait l’écho. Loin de traduire le retour à une norme, les conséquences de ce phénomène permettent de l’envisager comme une révolution scénique, prémices à un théâtre moderne fondé sur de nouveaux rapports d’identification.
Les travaux consacrés à l’histoire du théâtre en Italie et en Espagne proposent cette approche sociologique qui fait de l’actrice un élément signifiant dans la mise en place d’un nouvel ordre social. Les études féministes anglo-saxonnes développent de leur côté une problématique intéressante autour de cet espace théâtral perçu comme lieu d’action et d’expérimentation de nouveaux rapports de sexe. Les conditions de l’apparition de l’actrice gagnent ainsi à s’analyser sur les bases d’un lien corrélatif entre une idéologie des classes et une idéologie des sexes. Dans cette tension constante entre conformité et résistance à l’ordre établi, l’actrice, investie d’une valeur polémique et emblématique, modela des formes de revendication à la fois sociales et individuelles.
Sa présence s’inscrivait dans un processus de sexualisation de l’identité scénique. D’espace monosexué, la scène, rendue à la mixité, devenait le lieu d’une érotisation. Le corps scénique était désormais le support à de nouveaux fantasmes témoignant des nouveaux risques que s’accordait la société.
L’actrice peut alors se définir comme une présence féminine dissidente sollicitée pour transgresser, sur la scène sociale et fictive, les interdits imposés au reste du corps social et médiatiser ainsi une forme de liberté individuelle. La rencontre de la femme et du théâtre illustreraient les interrogations qui gagnaient la scène quant à l’identité de la personne et à ses nouveaux modes de représentation.
En savoir plus sur l’ouvrage L’Apparition des actrices professionnelles en Europe