Scandale : le festival Paris des femmes, créé en en 2012 à l’initiative de Véronique Olmi, Michèle Fitoussi et Anne Rotenberg, fête en réalité ses 106 ans…
Le Matrimoine est un effacement et un recommencement perpétuels… Sans le savoir, Véronique Olmi, Michèle Fitoussi et Anne Rotenberg – cofondatrices du Paris des femmes – ont ouvert, avec ce festival, la porte vers la quatrième dimension de l’Histoire des femmes… une dimension à laquelle vous n’accéderez dans aucune Histoire du théâtre actuelle…
Le Paris des femmes, qui a « pour ambition et volonté de donner une place aux femmes dans l’écriture dramatique », propose chaque année à différentes autrices d’écrire une pièce courte pour la scène, avec un, deux ou trois personnages. Ces créations sont présentées au théâtre des Mathurins durant 3 jours, le premier week-end de janvier. Un prix récompense l’autrice d’une des neuf pièces jouées. Une bourse est accordée à l’une des autrices invitées afin de lui permettre de prolonger ou d’enrichir sa pièce. Le tout est accompagné de rencontres (débats, conférences et signatures), d’expositions, et de la publication d’un recueil aux éditions L’avant-scène théâtre.
Maintenant, voyageons dans le temps et remontons en février 1911, tandis que Mileva et Albert Einstein travaillent d’arrache-pied à l’élaboration de leur théorie de la relativité…
Berthe Dangennes vient de créer la Société des auteurs dramatiques féminins, dite « la Halte », et ouvre « un concours de pièces en un acte pour toute femme auteur dramatique ». Cet acte doit comporter quatre personnages au plus. La pièce primée est dotée d’un prix de 200 francs et représentée au Théâtre Michel, 38 rue des Mathurins… à deux numéros de la Salle qui accueille aujourd’hui Le Paris des femmes.
« Une part des bénéfices sera affectée à une caisse de secours, qui permettra aux femmes de talent de prendre le loisir nécessaire à l’éclosion d’une œuvre », précise, en 1909, La Revue. Les représentations sont accompagnées de conférences et lectures (« Le théâtre féminin » par Eddy Levis, « La psychologie des femmes vue par les hommes », de Le Vassor, lue par Jane Catulle Mendès…).
C’est un trio de femmes qui dirige ce « festival » : aux côtés de Berthe Dangennes, siègent Judith Gautier et Sarah Bernhardt, respectivement présidente et patronne d’honneur.
Des trois femmes, Sarah Bernhardt est la seule qui accèdera à la postérité grâce à son statut de comédienne. Elle est aussi – on le sait moins – directrice, autrice de théâtre, peintre et sculptrice.
Berthe Dangennes est le pseudonyme utilisé par Berthe Blanchard (qui signe également sous les noms de Yoritomo-Tashi, John Dick, Sankara et Xanthès). Romancière, poétesse, dramaturge, autrice d’essais de « savoir-vivre » féministes, elle ne bénéficie d’aucune notice sur Wikipedia.
Judith Gauthier, guère plus connue aujourd’hui, n’est pas seulement la fille de Théophile… Autrice prolifique, elle est surtout la première femme de lettres à entrer à l’Académie Goncourt en 1910. Elle écrit plusieurs pièces de théâtre dont La Marchande de sourires, jouée en 1888 au Théâtre de l’Odéon. Wikipedia lui fait l’honneur d’une notice détaillée.
En revanche, seule la Wikipedia anglaise s’intéresse à l’inspiratrice de ce « festival », Jane Misme, directrice du journal féministe La Française, qui prendra également la plume en 1924 pour défendre la place des autrices de théâtre en réaction aux propos tenus par Paul Ginisty dans la revue Le Cri de Paris.
Précisons que l’initiative de ces trois autrices n’est pas isolée. En 1898, Marya Cheliga fonde le Théâtre féministe international (Le Figaro, 18 janvier 1898)
La poétesse Jane Catulle-Mendès oeuvre elle aussi en faveur de la création théâtrale féminine : en 1908, elle donne des conférences à Bruxelles afin de faire connaître les pièces de ses consoeurs, aujourd’hui oubliées… Marni, Gyp, Mme Gabriel Mourey, Rachilde, Carmen Silva etc. (Le Figaro, 12 mars 1908)
Les 6, 7 et 8 janvier 2017, Christine Angot, Ariane Ascaride, Aurore Auteuil, Brigitte Giraud, Sylvie Germain, Nancy Huston, Salomé Lelouch, Isabelle Monnin, Marie Nimier, Leïla Slimani entreront à leur tour dans une dimension inconnue de l’Homme. Une dimension faite non seulement de paysages et de sons, mais surtout d’esprit. Une dimension sans espace, ni temps, mais infinie…
A un siècle de distance et quelques mètres à peine du Théâtre Michel, elles marcheront sur les pas de Rachilde, Jeanne Fürrer, Nadige Nastri, Jane de La Vaudère, Jane Myrsand, Berthe Dangennes, Judtih Gauthier, André Guess (Mme Aubier) et d’autres, avec dix pièces écrites sur le thème du « Scandale »… Une belle occasion de découvrir des autrices dramatiques d’aujourd’hui et de rendre hommage aux scandaleuses d’hier.
En savoir plus sur Le Paris des femmes
« Où sont les femmes », une fois tombées dans le trou noir de la relativité générale…? Cinquième édition de la brochure de la SACD sur la place des femmes dans le secteur culturel
Bibliographie
Cecilia Beach, French Women Playwrights of the Twentieth Century: A Checklist
Cecilia Beach, Staging Politics and Gender, French Women’s Drama, 1880–1923
Diana Holmes & Carrie Tarr, A Belle Epoque?: Women and Feminism in French Society and Culture 1890-1914
Rotraud von Kulessa, Entre la reconnaissance et l’exclusion: la position de l’autrice dans le champ littéraire en France et en Italie à l’époque 1900
Bravo Aurore
Quelle érudition !!